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PUBLICATION | AU-DELA DE LA TERRE | JEAN-JACQUES DORDAIN | SPACE’IBLES


Jean-Jacques Dordain, ancien directeur général de l’Agence Spatial Européenne (2003-2015) et parrain de Space’ibles.

La relation entre la Terre et l’espace est la clé de la vie de l’humanité sur Terre, l’espace ayant ensemencé le vivant sur Terre et ayant fourni l’énergie nécessaire au développement des générations successives des êtres vivants jusqu’à permettre aux humains de collecter, de stocker et d’utiliser des quantités d’information qui feront la différence. C’est alors que l’homme a su retourner la situation en sa faveur, en apprenant à utiliser l’espace pour vivre et se déplacer sur la Terre, bien avant d’être capable d’y aller. Aujourd’hui, 60 ans après le Spoutnik, l’objectif d’un “espace pour la Terre” est le moteur de tous les acteurs spatiaux, à commencer par le CNES, qui délivrent aux hommes de plus en plus de données, de plus en plus de connaissances et de plus en plus de services fournis grâce à l’espace.

Ce que l’espace n’a pas encore réussi à faire, c’est de changer le comportement de l’homme qui continue à vivre comme si la Terre était infinie et le temps fini, contrairement à la réalité contre laquelle l’homme finira par buter.

Comment réconcilier le comportement de l’homme avec cette relation entre la Terre et l’espace, vitale pour qu’il puisse continuer à vivre sur Terre pendant un temps infini à l’échelle de la vie d’un homme (1000 siècles pour Roger Bonnet)? Il faudra pour cela briser la frontière qui a été construite entre la Terre et l’espace, par nos ancêtres d’abord qui avaient fait de l’espace le royaume des dieux par rapport à la Terre , le royaume des hommes, distinction perpétuée par les acteurs spatiaux qui ont fait du secteur spatial un village sur la Terre, habité par ceux capables de maîtriser le feu (“rocket scientist”) et de conquérir l’inconnu. Certes, j’en viens, mais cet “espace réservé” est un frein à faire de l’espace la dimension capable de briser la finitude de la Terre. En abolissant cette frontière entre le « secteur Terre » et le « secteur espace », nous serons enfin capables de passer de « l’espace pour la Terre » à « l’espace et la Terre pour les hommes ».

Deux exemples permettent d’illustrer le poids de cette frontière et le bénéfice qu’il y aurait à la supprimer : les télécommunications et l’exploitation des ressources naturelles, le poids du passé pour le premier et le poids du futur pour la seconde…

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Les articles conçus pour les Space’ibles Days :


Lien vers le numéro spécial « Space’ibles Days 2018 » de Futurhebdo
Lien vers le numéro spécial « Space’ibles Days 2017 » de FuturHebdo

PUBLICATION | ARTICLE ISSU DE L’ATELIER « GOUVERNANCE, DÉRIS ET ENJEUX JURIDIQUES » | SPACE’IBLES

Space’ibles, l’Observatoire de Prospective Spatiale, initiative du CNES vient de finir sa deuxième année de travail. Cette année, les participants à Space’ibles ont travaillé autour de cinq thèmes : « Jusqu’où l’homme est-il prêt à aller pour conquérir l’Espace ? », « Gouvernance, débris & enjeux juridiques », « Métropoles, Espace & Souveraineté », « Produire dans l’Espace » et « Vivre au quotidien dans l’Espace ».
Cette année de travail s’est finie, en convention, les 7 et 8 novembre 2018, à Strasbourg. Cet article et 4 autres rendent compte des travaux des ateliers pour l’année écoulée. Ils ne sont pas des prises de position définitives mais des appels au dialogue sur lesquels construire les prochaines réflexions.


Il se pourrait que, 63 ans après une première tentative, l’Europe relance une commission constituante. Entre temps, le monde a bien changé. Il s’est étendu au-delà de la géosphère. Et, la finitude de la planète Terre est effacée par l’infinité des ressources qu’offrent l’Espace. Alors, l’Europe serait bien inspirée de lever les yeux vers le ciel pour enrichir les travaux constitutionnels qui vont l’occuper pendant les années qui viennent.

En effet, au dessus de l’Europe se trouve toute la variété des activités humaines outre-terrestres : industrie orbitale, manufactures martiennes, exploitation minière de la ceinture d’astéroïdes, robotique, sidérurgie et chimie en microgravité… la liste des activités humaines hors de la géosphère ne cesse de s’allonger. Cette effervescence d’activités met surtout en lumière l’incapacité de l’humanité à développer des activités dans un cadre légal homogène. Il ne serait guère réducteur de parler des trois voies contemporaines du développement réglementaire de l’économie spatiale. Il y a tout d’abord le
canal légal historique. Il s’appuie sur les traités qui se sont succédés de 1963 à 1984. Ces derniers tentaient de poser les fondements d’un droit spatial tourné vers un développement durable des activités humaines au-delà de la zone terrestre. Mais cette première voie du développement du droit spatial est loin de faire l’unanimité.

Face à l’incapacité de faire évoluer ce droit spatial de base, les opérateurs spatiaux privés — ainsi que certains petits états — et les assureurs de ces mêmes activités se sont accordés implicitement sur un bouquet de bons comportements afin de soutenir le développement des activités commerciales outre-terrestres. Cette “politique” pourrait se résumer ainsi : bien construire et bien référencer chaque pièce du puzzle spatial afin de réduire au maximum les risques d’éparpillement des débris et assurer une gestion concertée des orbites terrestres. Le bon vieux système du “bonus-malus” des assureurs a fait des émules. Une des vertues de cette autorégulation volontaire a par exemple permis, à proximité de la Terre, de réduire le suréquipement des installations qui devait leur assurer leur capacité d’évitement. Mais cette deuxième voie d’un droit spatial ne semble pas non plus devenir majoritaire.



PUBLICATION | ARTICLE ISSU DE L’ATELIER « JUSQU’OÙ L’HOMME EST-IL PRET À ALLER POUR CONQUERIR L’ESPACE ? » | SPACE’IBLES

 

Space’ibles, l’Observatoire de Prospective Spatiale, initiative du CNES vient de finir sa deuxième année de travail. Cette année, les participants à Space’ibles ont travaillé autour de cinq thèmes : « Jusqu’où l’homme est-il prêt à aller pour conquérir l’Espace ? », « Gouvernance, débris & enjeux juridiques », « Métropoles, Espace & Souveraineté », « Produire dans l’Espace » et « Vivre au quotidien dans l’Espace ». Cette année de travail s’est finie, en convention, les 7 et 8 novembre 2018, à Strasbourg. Cet article et 4 autres rendent compte des travaux des ateliers pour l’année écoulée. Ils ne sont pas des prises de position définitives mais des appels au dialogue sur lesquels construire les prochaines réflexions.


13/11/2038 : Jusqu’où l’homme est-il prêt à aller pour conquérir l’Espace ? par Daniel Kaplan

Les traités internationaux ont beau dire le contraire, les premiers à établir une colonie sur Mars en tireront des bénéfices très supérieurs à ceux qui suivront : ils choisiront les meilleurs sites, ils apprendront plus vite, ils disposeront d’un monopole au moins temporaire sur leurs découvertes… et, plus important encore, d’un monopole symbolique sur la « Nouvelle Frontière de l’Humanité ».
Pour s’assurer cette avance, en 2025, une alliance se noue entre plusieurs émirats pétroliers et certains des entrepreneurs les plus symboliques de la Silicon Valley, attirés par un environnement plus innovation-friendly – entendre, protégé de la curiosité des médias et de l’opinion. L’idée : investir massivement pour envoyer très vite des humains sur Mars, voire au-delà, malgré… ou à cause du risque pour les humains. Comment y parvenir ? En présentant le projet comme une quête spirituelle et les pionniers comme des héros auxquels l’Humanité devra son évolution, voire sa survie.
Le premier appel à candidatures, en 2026, attire des dizaines de milliers de réponses. Les 2000 candidats et candidates retenus présentent un profil bien différent de celui des astronautes habituels : beaucoup sont techniciens, mécaniciens, infirmiers…


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INTERVIEW | OLIVIER DANS NEO DOMO

  

Long entretien/interview donné par Olivier à Monique Caralli-Lefèvre, rédactrice en chef de Neo Domo, le magazine de la maison connetée, écologique et intelligente :

Magazine à télécharger ICI

L’interview :
De la nécessité d’injecter une dimension éthique dans l’IA par Monique  Caralli-Lefèvre

Neo-Domo : L’intelligence artificielle est-elle le résultat de révolutions dans les technosciences qui vont bouleverser tous les aspects de la vie, est-elleun vaste marché puisqu’on estime que l’IA s’est déjà introduite dans plus de 6 milliards d’appareils depuis sa création ou est-elle une nouvelle tarte à la crème ? 
Olivier Parent : Les trois à la fois ! Sur le plan économique, on estime que le marché de l’IA se comptera en dizaine de milliards d’euros d’ici 2025, c’est une réalité écono- mique. En ce qui concerne les technosciences, dans nos Smartphones, on bénéficie déjà de l’IA avec Alexa, Siri et autres assistants numériques qui comprennent de mieux en mieux le langage humain. On voit d’ailleurs les progrès effectués par l’IA d’une version de Smart– phone à une autre. Enfin, effectivement, c’est une tarte à la crème mais qui pourrait avoir un goût amer ! le terme même d’intelligence artificielle nous trouble car pour l’instant il ne représente que des algorithmes, certes complexes, mais qui répondent à des fonctions uniques, comme comprendre le langage humain ou analyser une base de données à une vitesse vertigineuse. Tout cela n’a rien de préoccupant. Par contre, le monde industriel a très bien compris où était son intérêt et si on n’y prend pas garde la société civile pourrait se trouver privée de son droit de regard concernant le développement de l’IA. Souvenez-vous, quand le Wifi a été développé, il l’a été de manière philanthropique et devait être libre. Les fournisseurs d’accès internet et mobile ont vite fait de verrouiller le système en imposant des mots de passe partout. Il arrive la même chose avec les blockchains puisque, de ce système de certification décentralisée et partagée entre les utilisateurs, les banques en font des systèmes propriétaires pour leur propres intérêts. L’intelligence artificielle est une chose formidable mais il ne faut pas laisser les marchés et les industries se l’accaparer car ils la développeront à leur seul profit.

Neo-Domo : On entend parler d’IA faible, d’IA forte. Y a-t-il plusieurs sortes d’IA ?
OP : En répondant à cette question on s’attaque à un fantasme car bien souvent le terme d’intelligence est utilisée à tort et à travers… Même un système de détec– tion d’obstacle d’un véhicule récent devient intelligent une fois qu’il est passé entre les mains du marketing ! Alors, pour faire simple : Une IA faible est un algorithme plus ou moins complexe qui reproduit un processus cognitif humain : reconnaître des formes sur une image, analyser une très grande base de données. L’IA faible n’a pas conscience d’elle-même contrairement à une IA forte qui est sensée comprendre les processus qu’elle applique et qui peut-être à ressentir des émotions. Mais on peut classer les IA selon d’autres critères comme :
 L’IA étroite, qui n’est compétente que dans un seul domaine, on pourrait même parler de système expert, C’est le cas de SIRI d’Apple ou de WATSON d’IBM qui peut analyser toutes les publications médicales pour en sortir une aide au diagnostic pour les médecins. On pourrait en dire autant de Deep Blue, première machine à battre les humains dans un domaine que ces derniers considéraient comme leur chasse gardée, en terras– sant, en 1997, Garry KASPAROV aux échecs, le cham– pion du monde de l’époque. L’IA étroite est faible par définition et n’a donc pas de conscience de soi.
 L’IA générale qui serait sensée gérer la complexité qui est le quotidien d’un être humain : Se tenir debout, mar– cher, se nourrir, travailler, avoir une activité sociale…. Bien qu’il n’en ai pas conscience, l’humain sait lui aussi gérer la complexité et d’énormes données ! L’IA géné– rale pourrait être faible ou forte, on n’en a sait encore rien car pour l’instant on ne sait pas développer d’IA générale capable de gérer cette complexité qui, jusqu’à ce jour reste le propre de l’homme.
 Quand elle existera, la Super IA qui pourrait dépasser l’ensemble de l’humanité, mais cette troisième forme d’IA reste pour l’instant de l’ordre de la science fiction. Et elle sera évidemment une IA forte.

Neo-Domo : Où en sommes-nous aujourd’hui ?
OP : Aujourd’hui, nous ne connaissons que les IA étroites et faibles !
Aussi puissante que puisse être AlfaGo, l’IA dévelop
– pée par DeepMind qui, en 2016, a battu le coréen Lee Seedol, le champion du monde du Jeu de Go, elle n’a pas conscience des processus qu’elle applique. Ainsi, au cours de ce fameux match, le coréen acculé fait un mouvement inhabituel pour lui et même pour un être humain. Ce mouvement inattendu a fait perdre énormé– ment de temps à AlfoGo pour jouer le coup suivant, car la machine a du se reprogrammer et a fini par perdre cette manche, même si finalement elle a gagné le match. On entend des choses fabuleuses sur les capacités et les puissances développées en laboratoire, mais, jusqu’à preuve du contraire, on reste pour le moment sur de l’IA faible qui n’a pas de conscience de soi.

Neo-Domo : le passage à un stade supérieur est-il un problème de technologie, de puissance ou de prise de conscience morale ?
OP : Les trois ! L’IA forte, c’est à la fois un problème technologique pour des questions de puissances, les calculs que demandent les IA, même s’ils sont en voie d’optimisation, demeurent gourmand en capacité pas de calcul. C’est un problème de concept car il n’y a pas de chemin tout tracé pour réaliser une IA forte. Chaque laboratoire avance de façon empirique et incrémentale, en faisant appel à un nombre de disciplines toujours plus grands : informatique, cybernétique, neurologie, cognition, comportementalisme… Néanmoins, les recherches avancent à grands pas. Ainsi, aujourd’hui l’on utilise des réseaux neuronaux artificiels qui imitent le comportement du cerveau biologique. Ils permettent le deep learning, cette capacité, pour la machine d’ap– prendre par elle-même. Ainsi, on obtient des résultats pertinents même si on ne comprend pas toujours ce qui se passe à l’intérieur de la « boîte noire » !
Enfin, on assiste à une prise de conscience. Le 20ème siècle a détruit les conceptions positives qu’on avait de l’humanité. On remarque que, au niveau des jeunes générations, il y a une sorte de détestation de ce que nous sommes : l’espèce humaine. L’IA sera peut-être l’occasion, le prétexte, le déclencheur pour que le 21ème siècle réfléchisse et écrive sa propre ontologie.

Neo-Domo : La loi de Moore qui prévoyait le double– ment des puissances tous les 18 mois est-elle tou- jours d’actualité ? 
OP : La loi de Moore à l’origine prévoyait de manière intuitive le doublement du nombre de transistors dans un processeur tous les 18 mois. C’était la première loi de Moore qui par extension est devenue le doublement de la puissance tous les 18 mois. C’est toujours d’ac– tualité mais on ne sait pas pour combien de temps, car on constate un ralentissement de la fréquence du doublement. Les processeurs à 14 nanomètres de pré- cision sont arrivés avec du retard. On est passé de 18 à 30 mois et cette nouvelle génération de processeurs a nécessité des investissements colossaux. On pour- rait se demander si le jeu en vaut la chandelle… Mais c’est bien « oui », car notre monde moderne avec, par exemple l’arrivée de la voiture autonome, aura besoin de grands nombres de processeurs toujours plus puis– sants. Cependant, On arrive d’ailleurs aux limites de la physique habituelle. Il va falloir développer de nouvelles technologies comme les ordinateurs quantiques.

Neo-Domo : Quand on parle de robot, la vraie IA ne serait-elle pas qu’un robot fabrique lui-même un robot plus performant ? 
OP : Indépendamment de la question des robots de demain, cette fonction auto-génératrice existe déjà ; des programmes conçoivent d’autres programmes… Ainsi une partie de l’algorithme de recherche de Goo– gle est en partie écrit par des IA qui s’auto-alimentent. Ces IA savent aussi détecter les lignes de codes inu– tiles… Les choses vont sûrement aller en s’accélérant… Comme par exemple, L’IA AlphaGo Zéro, la génération suivante d’AlphaGo, qui a mis seulement trois jours pour dépasser le niveau du match contre l’humain See- dol en apprenant toute seule à jouer au jeu de Go.
Pour en revenir aux robots, on a aussi observé que les robots qui reprennent des formes biologiques pro– voquent l’empathie ! Allez sur le site internet de Boston Robotics qui à l’été 2016 montrait un robot quadrupède sans tête ni queue qui savait marcher. Pour montrer la mobilité et la stabilité de la machine, l’ingénieur donne des coups de pied au robot qui se rattrape et retrouve son équilibre avec des gestes éminemment biologiques, ces mêmes mouvements qui provoquent l’empathie et la colère des spectateurs à l’encontre du chercheur ! À terme, le robot pourrait être une IA générale qui sera amenée à gérer ses propres fonctions et l’interface avec les humains de manière fluide (risque d’accident par exemple). Mais cette IA générale ne sera pas pour autant une IA forte, avec une consciente de soi. En tout cas, elle devra accomplir sans défaillance ce que les humains attendent d’elle. Le temps qu’une IA générale “émerge”, disons dans une trentaine d’années, les aînés diront de cette IA qu’elle n’a pas de conscience d’elle-même, qu’elle ne fait que singer les comportements humains alors que les jeunes qui seront familiarisés avec les robots pencheront pour voir en elle une véri- table conscience !

Neo-Domo : Pensez-vous comme les cognitivistes qu’on fabriquera un jour des machines dotées de conscience de soi et d’émotions. On touche là au transhumanisme ?
OP : Les choses sont plus complexes qu’on ne l’imagine ! Il y a les hyper-enthousiastes comme les Transhumanistes qui ont la naïveté de penser que demain notre conscience biologique pourra être télé– chargée dans un système informatique… Mais chacun a sa propre psychologie qui est – la comparaison est abusive – le programme qui gère ce que nous sommes, qui gère nos réactions aux stimulus externes, qui gère nos expériences, notre mémoire… Si on peut envisa- ger d’enregistrer sur support numérique la mémoire d’un individu, peut-on le réduire à la somme de ses mémoires ? Et, comment digitaliser, numériser la psy– chologie d’un individu ?
Il est également naïf de vouloir réduire l’être humain à son cerveau. Ce qu’est l’individu est en lien directe avec son corps : deux corps ne sont jamais identiques et n’expérimentent pas la réalité de la même manière. Et, on le découvre encore : il y a des neurones ailleurs que dans le cerveau. Quel rôle jouent-ils dans la consti– tution de la personnalité d’un individu ? Si on ne peut réduire l’être humain à son cerveau, on peut néanmoins l’améliorer. Il faudra alors déterminer où placer le cur– seur entre nécessité (médicale) et superflu (du confort, du loisir ?) ! J’aurais tendance à dire que c’est la même différence qu’entre chirurgie réparatrice et chirurgie esthétique. Un jour, beaucoup de choses seront proba– blement possibles (c’est ce que promet un Elon Musk avec sa société Neuralink), d’où la nécessité d’injecter dès aujourd’hui une dimension éthique, en anticipant, par exemple, le risque réel de voir se développer un tou– risme technologique si la France ou l’Europe traînent à légiférer ce genres de domaines !

Neo-Domo : Le risque qu’il y ait un jour concurrence entre l’intelligence artificielle et biologique existe-t-il ? 
OP : Ce qui caractérise l’intelligence biologique c’est qu’elle a des contingences matérielles (comme la fatigue). Si on continue de développer des IA qui n’ont aucune conscience de l’énergie qu’elles consomment (par exemple, en 2016, AlphaGo consommait l’énergie équivalente à 50 000 cerveaux humains : 1 megawatt comparés aux 20 watts d’un cerveau humain, 100 watts si on prend en compte tout le corps !*), qui n’ont aucune conscience de l’environnement qui leur a donné nais– sance, il y aura évidemment concurrence. Mais, si on intègre ces contingences énergétiques, structurelles, matérielles, si on apprend aux IA la frugalité énergé– tique (ce que, nous humains avons tant de mal à inté– grer…), une IA collaborative pourrait devenir le meilleur allié de l’homme pour relever les défis de demain et écrire une ontologie du 21ème siècle, avec des IA qui auront conscience de faire partie du même écosystème que nous.
En tant que prospectiviste, je m’intéresse aux consé– quences des innovations technologiques émergentes ou à venir sur le corps social ou le corps biologique. Mon travail est d’envisager et de raconter toutes ces éventualités. La réalité se révèle parfois être un doux mélange de tout ce qui a imaginé et, encore plus sou– vent, cette réalité se révèle en prenant un chemin radi- calement nouveau ! Raconter toutes ces éventualités permet d’ouvrir le débat public, de ne pas tomber dans le déterminisme. Le citoyen, avec son vote et son pouvoir d’achat, a un vrai rôle à tenir : il doit s’en rappeler ! 


* https ://www.cevadsp.com/ourblog/artificialintelligence– leapsforwardmasteringtheancientgameofgo/ 

HUMEUR | LA SCIENCE-FICTION, SOURCE D’INNOVATIONS | Le Monde

On le dit au Comptoir Prospectiviste depuis tellement longtemps qu’on n’a pas pu s’empêcher de relayer cet article !
Merci à Philippe Jacqué pour ce beau tour d’horizon !

Parut dans Le Monde : http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2018/03/02/la-science-fiction-nouveau-filon-des-entreprises-pour-imaginer-leur-futur_5264502_1656994.html#xtor=AL-32280270

Montgomery « Scotty » Scott (James Doohan) avec son Communicator dans la série télé « Star Trek ». DR / PROD DB / PARAMOUNT TV

La science-fiction, source d’innovations 

Les entreprises s’appuient sur le « design fiction », un concept né aux Etats-Unis, pour revoir leur stratégie, développer de nouveaux produits et préparer leurs collaborateurs aux changements

Qui se souvient du téléphonoscope, l’ancêtre du téléphone, du musicophone, l’ancêtre de la chaîne hi-fi, ou de la visioconférence, tous trois imaginés dans les années 1880 par le romancier français Albert Robida (1848-1926) ? Comment oublier Jules Verne (1828-1905) et ses visions du futur ? Dans De la Terre à la Lune, l’écrivain fait, dès 1865, rêver ses lecteurs avec l’homme dans l’espace ; dans Vingt mille lieues sous les mers, en 1869, il décrit l’exploitation offshore qui verra le jour plusieurs décennies plus tard.

Plus proche de nous, le « PADD » tactile du capitaine Spock dans la série télévisée Star Trek, diffusée au début des années 1960, rappelle la future tablette iPad d’Apple, qui a vu le jour en 2010. Et que dire du Communicator, un téléphone mobile à clapet, également vu dans Star Trek et conçu quelques décennies plus tard par Motorola, ou du fameux hoverboard de Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985), désormais dans les rues près de chez vous. Quant à 2001 : l’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick), les interactions vocales avec Hal 9 000, l’intelligence artificielle du vaisseau, ont clairement inspiré les actuels assistants virtuels vocaux comme Siri (Apple) ou Alexa (Amazon). Et ce, dès 1968 !

Si la science-fiction (SF), sous toutes ses formes, a fait beaucoup rêver depuis près de deux siècles, elle a aussi largement inspiré les grandes organisations comme les entrepreneurs. En 1980, EDF avait publié Les Chroniques muxiennes, qui mettaient en scène la télématique (l’ancêtre d’Internet) au quotidien. Un certain Pierre Martin récupérait, par le biais d’un « télécran », une lettre de son fournisseur d’énergie, avant de lire son « téléjournal personnalisé en fonction de ses goûts, de sa formation, et de ses préférences politiques ».

Plus récemment, on retrouve les ferments de la culture SF chez Apple (et son fameux iPad), aux Etats-Unis, mais aussi en Chine. En 2016, rappelle le chercheur Thomas Michaud, le président de Huawei, Kevin Ho, a présenté sa vision futuriste où il serait possible à l’avenir de parler avec les morts, en s’appuyant sur des messageries instantanées. Comment ? En créant des copies numériques de n’importe quel individu, représenté, ensuite, par un avatar. M. Ho dit s’inspirer de la SF pour détecter les tendances futures du marché. Un autre groupe technologique chinois, Baidu, a, également lancé, en 2016, son plan « Jules Verne », qui doit permettre aux romanciers d’anticipation d’échanger avec des scientifiques, des universitaires et des spécialistes de l’intelligence artificielle.


Une mine d’or

Les agences spatiales américaine (NASA) et européenne (ESA) n’hésitent pas non plus à piocher dans le corpus de la SF pour préparer leurs futurs voyages vers la Lune ou vers Mars. La NASA a décortiqué la vaste production de romans et de films pour le design de ses fusées. L’ESA, elle, est allée chercher dans la littérature, les illustrations et les films de science-fiction, des idées pour aborder la vie, la livraison (qui a inspiré les vaisseaux-cargos) ou la « mode » (notamment les combinaisons) dans l’espace.

Au tournant des années 2000, le « design fiction » est né.Objectif de ce concept, inventé par des consultants et autres chercheurs : aider les dirigeants d’entreprise à se projeter dans l’avenir, à revoir leurs orientations stratégiques à moyen et à long terme et à préparer leurs collaborateurs à ces changements. Le tout en s’immergeant dans une réalité s’appuyant sur ce que dit la SF du futur.

C’est que la science-fiction est une mine d’or. Elle se nourrit à la fois du présent et des recherches scientifiques en cours pour proposer des interprétations, plausibles ou non, de l’avenir. « Quelques scènes fictionnelles peuvent résumer des problématiques complexes et générer une réflexion collective », explique Thomas Michaud dans son essai L’Innovation entre science et science-fiction (ISTE éditions, 2017).

« Depuis quelques années,des designers et des créatifs de la Côte ouest américaine développent le langage de la fiction réaliste pour aider leurs clients à mettre en question leurs propres fondamentaux, confirme Nicolas Minvielle, professeur à Audencia Business School, à Nantes, membre du collectif Making Tomorrow et coauteur de Jouer avec les futurs (Pearson, 2016). Ici, le design n’est plus une fin en soi, mais un outil efficace pour suspendre les jugements sur les futurs à venir et identifier de nouvelles façons de s’y projeter. »

Parmi ces artisans, on compte Ari Popper, le patron californien de SciFutures, une société de conseil installée à Boston (Massachusetts). « J’ai toujours adoré la science-fiction, confie au Monde cet ancien patron d’une société d’étude de marché. En 2011, j’ai pris un cours d’écriture et j’ai compris que la SF pouvait être un outil très puissant et très divertissant pour les entreprises, afin d’imaginer leur avenir. »

L’Américain a développé une méthodologie, le « prototypage science-fiction », et travaille avec sa demi-douzaine de consultants pour des clients tels que Visa, Pepsi, Ford, Colgate ou Samsung… En Europe, d’autres professionnels s’engagent sur cette voie, à l’image de Near Future Laboratory, du collectif Making Tomorrow ou de Design Friction.

« Nous travaillons à la fois avec les responsables de l’innovation, mais également avec les cadres du comité exécutif. Il s’agit de préparer la stratégie de changement tant interne qu’externe, précise Ari Popper. [Après avoir étudié en profondeur le secteur du client et fixer les objectifs de la recherche], je transmets notre brief à notre réseau de 200 auteurs de science-fiction. A eux de proposer des idées. Nous revenons ensuite vers nos clients pour les pousser à interagir avec ces idées en utilisant tout type de supports : film, BD, séries télévisées, nouvelles, réalité augmentée, etc. »

Cela permet d’immerger les cadres de l’entreprise concernée et de développer à la fois une vision stratégique, des produits ou des expériences. « Ce type de projets fondés sur une vision de l’avenir, inspiré de la SF, est un véritable catalyseur du changement, assure Ari Popper. Et notamment pour les cadres, qui réussissent à se projeter dans un futur possible. Pour Ford, nous avions travaillé, il y a plusieurs années, sur le véhicule autonome, en nous fondant sur des romans et des BD. Et cela a participé à la définition de leur vision pour ce service aujourd’hui. »

L’un des exemples publics les plus aboutis du design fiction appliqué à l’entreprise est la production par le Near Future Laboratory d’un catalogue commandé par Ikea (consultable en ligne). L’objet ressemble à n’importe quel catalogue du groupe suédois. Sauf qu’il propose non pas des objets mais des expériences et des services, comme ce sofa Nostalgi, qui s’adapte au tempérament de ses utilisateurs… Pour la salle de bains, le shampoing Liv, autorégénérant, s’achète à vie pour un abonnement de 9,90 euros par mois. De même, un tapis mousse naturel est proposé à 6,99 euros le mètre carré. Enfin, pour la cuisine, Folklig est à la fois un meuble comptoir, mais aussi une aide pour la cuisine… Le tout pour 1 295 euros.


« Provoquer un débat »

« La limite du projet Ikea, estime M. Minvielle, est que ses concepteurs avaient d’emblée décidé d’annoncer la couleur, que ce catalogue était une fiction. Or, l’intérêt du design fiction est d’immerger dans une réalité plausible des acteurs et de voir comment ils réagissent, ce qu’ils en retiennent et ce qui les gêne. Le design fiction doit provoquer un débat. »

Pour nourrir les imaginaires qu’il présente à ses clients, Making Tomorrow pioche dans un corpus de vidéos de centaines de films de SF où il isole des usages, des objets ou des interactions entre hommes et robots. Il confectionne ensuite des scénarios spécifiques proposés à la réflexion pour certaines entreprises.

Jeanne Glorian, de la direction Innovation de Bouygues Immobilier, s’est engagée dans ce processus, afin « d’immerger une quarantaine de cadres pendant deux jours en 2040. A la fin de l’immersion, un faux comité des investissements devait se prononcer sur les services ou les nouvelles activités proposées ». « Notre objectif était de sortir la tête du guidon et de prendre un peu de hauteur sur l’avenir des métiers de la promotion immobilière, poursuit-elle. Les cadres ont été baignés dans des imaginaires du futur issus de la SF et ont produit et maquetté des nouvelles offres. Un des groupes de réflexion a fini par proposer des “cocons-habitats”, qui seraient remis à chaque citoyen qui naît. Ce cocon peut se déplacer et s’attacher à des bâtiments existants, selon l’âge de la personne, sa situation familiale et l’expérience qu’elle désire vivre. On s’est rendu compte qu’un projet assez similaire d’immeuble modulaire avait déjà été imaginé par un designer en Chine… »

Dans certains contextes, l’utilisation du design fiction peut provoquer de nombreuses réactions. M. Minvielle rapporte une récente expérience menée dans une entreprise autour de l’intelligence artificielle. « Une fausse discussion entre l’ordinateur Watson d’IBM et un client a été diffusée aux salariés d’une plate-forme téléphonique. Cela a eu un très grand retentissement. Les salariés ont compris que leur poste était, à moyen terme, en danger. Cela a changé complètement l’état d’esprit au sein de la société et ces salariés ont pu dire quel était l’avenir préférable qu’il voulait construire. » Avec l’immersion dans le futur, ces projections sont bien plus tangibles qu’avec un simple rapport de prospective…

Philippe Jacqué



Pour s’y retrouver parmi les thèmes de la SF : http://www.prospectiviste.fr/2017/05/arborescence-simplifiee-des-themes-de.html

PARTICIPATION | 22 FEVRIER 2018 : SORTIE DU LIVRE « LES TRANSHUMANISTES » PAR FLORENCE PINAUD &ELODIE PERROTIN AUX EDITIONS DU RICOCHET



Florence Pinaud a interviewé Olivier en août 2016 pour la rédaction de cet ouvrage. Nous sommes heureux d’en annoncer la sortie prochaine : le 22 février 2018.

Au sommaire des « TRANSHUMANISTES », premier titre de POCQQ, la nouvelle collection des éditions du Ricochet :

La vie éternelle ? 
Cure de jouvence Bâtisseurs de corps Chirurgie génétique Prothèses intelligentes Pour l’éternité

Gens géniaux, drôles de gens ? 
Les transhumanistes… leur galaxie
La hippie touch
Singulière singularité
Aux USA… et en Europe
Nébuleuse
Les bioconservateurs
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aux editions  du Ricochet 

Où va le climat ?
Qui sont les transhumanistes ? Les féministes ? Les footballeurs ?…

Le silence est d’argent mais la parole est d’or
Le monde change et – pour l’instant – l’Homme reste l’Homme.

Face aux enjeux profonds des choix de société, il est important de s’interroger et de débattre en sachant ce que nous dit l’actualité. La vraie actualité, celle qui, loin de l’anecdote, nous raconte où en sont ceux qui la font.

Qui sont les transhumanistes ? Où va le climat ?
Qui sont les féministes ? Les footballeurs ?
Les hackers ?
Nos auteurs sont allés au fond de ces sujets qui leur tiennent à cœur. Ils nous les restituent en allant à l’essentiel avec la distance qui permet à chacun de se faire son opinion.

Le ton est alerte, l’illustration ponctue la lecture avec humour et vigueur. Un texte fluide et facile à lire court sur une centaine de pages. Des encadrés s’arrêtent sur les points techniques. Quelques aiguillages permettent d’aller piocher dans la littérature, le cinéma, la BD, la musique… des points de vue imaginatifs.

Alors, place à des conversations passionnantes et animées ! 5 titres en 2018 et pour suivre 3 par an.

PUBLICATION | FH MAGAZINE #0


L es débuts d’année sont propices aux bonnes résolutions. C’est connu. Pas la peine d’être grand… prospectiviste pour annoncer cela. Le problème avec les bonnes résolutions… c’est qu’on ne les tient pas ! Alors, à l’aube – bien entamée – de cette nouvelle année, le Comptoir Prospectiviste vous invite à une expérience – et on fera tout pour qu’elle dure – étonnante : le transfert sur support papier des textes produits par les prospectivistes du Comptoir et ceux que vous avez pu consulter sur FuturHebdo. C’est d’ailleurs cette signature autour de laquelle s’est organisée la construction du premier numéro de ce magazine. 
Il s’appelle FH Magazine. Il est beau. Il est riche de contributions multiples dont certains d’entre vous pourraient reconnaître les origines. Car FuturHebdo, et donc FH Magazine, n’existe que grâce à vous ! Grâce à vos entreprises, grâce à vos institutions qui ont fait confiance au Comptoir Prospectiviste et qui, par effet de ricochet, nourrissent les contenus de FuturHebdo.
Le passage du digital vers le print, le Comptoir n’est pas le premier à le faire. Alors qu’il y a dix ans, personne n’aurait parié sur la survie de la presse écrite, elle se porte finalement bien. Sa santé n’est pas au mieux… mais, elle est moins préoccupante qu’on aurait pu le penser. L’univers de la presse écrite ou magazine est surtout en pleine mutation pour prendre en compte l’évolution du marché et les nouvelles habitudes des lecteurs qui font naître nombre de titres au public extrêmement ciblé et étroit. Étonnant ? Non, malin ! 

Et puis, en ces temps de la consommation reine, où la nouveauté est poussée à la désuétude par la nouveauté, FH Magazine ne paraîtra que deux fois par an. Alors, gardez-le, consultez-le, potassez-le… à notre sens, il en vaut la peine ! Bonne lecture et, vous aussi, tenez vos bonnes résolutions !
PS : Pour ce premier numéro, le tirage est modeste. Donc, peu d’entre vous l’auront physiquement entre les mains… Mais vous pouvez néanmoins profiter de ce premier numéro en pdf et epub ! Liens le fichier PDF>>> (12,3 Mo) et le fichier EPUB>>> (61,5 Mo). 
Bonne lecture et rendez-vous tout début juillet pour le numéro 2 de FH Magazine. À emporter en vacances ! 

PUBLICATION | OCEAN ARCTIQUE 2020-2050 : NOUVELLES ROUTES MARTIMES ET CHANGEMENT DE DONNE GEOPOLITIQUE | GEAB DU LEAP


Olivier Parent a rédigé un article d’anticipation géopolitique pour le bulletin www.GEAB.eu (Global Europe Anticipation Bulletin, sur abonnement) du www.LEAP.eu (Laboratoire Européen d’Anticipation Politique) :



Pour faire de l’anticipation, il ne faut pas hésiter à être cynique. Si un nouvel état de fait apparaît, émerge, il ne faut pas hésiter à l’analyser, à tenter d’en extraire un avantage inattendu, tout politiquement incorrecte soit-il !

Si on applique cette posture à une analyse de l’avenir des océans, on ne peut s’empêcher de porter son regard vers le Nord de notre planète. En effet, une des conséquences les plus évidentes des dérèglements climatiques que scientifiques et observateurs ne cessent de constater, pourrait bien se dérouler dans l’océan arctique, avec le recul incessant de la banquise qui, bientôt libérera des voies navigables sur des périodes de plus en plus longues… voire, tout au long de l’année. Et ce, “pour le plus grand bien de la planète” : les routes passant par le nord sont environ un tiers plus courtes que les routes maritimes habituelles !




LE TEMPS DES AVENTURIERS

Historiquement, on distingue deux voies : le passage Nord-Ouest, qui trace une route, au milieu des îles du Grand-Nord canadien, reliant l’Atlantique Nord au Pacifique. L’autre voie est le passage Nord-Est qui relie lui aussi l’océan Atlantique au Pacifique mais, cette fois, en longeant les côtes de l’extrême nord de la Russie.

Jusqu’à il y a peu, ces deux itinéraires représentaient surtout une valeur plutôt  historique que maritime car ils ne demeuraient navigables que quelques courtes semaines au cours de l’année. Il n’est pas inutile de rappeler que ces contrées ont été les territoires d’aventures humaines folles, dès les temps des grands navigateurs. Sur leurs beaux navires à voiles, aucunement équipés pour les conditions climatiques extrêmes qu’ils rencontrèrent, n’ayant parfois pour carte que des légendes, ils cherchèrent obstinément, dès le XVIème siècle, une route Nord qui éviterait de contourner par l’extrême sud les continents africains et américains. Depuis, les canaux de Suez et de Panama ont été ouverts, mais les utilisateurs des voies maritimes cherchent toujours les passages les plus courts.

Ainsi, les passages Nord-Ouest et Nord-Est, sur le papier, permettraient de raccourcir substantiellement les trajets. Et, qui dit itinéraires plus courts, dit gain de temps, et donc d’argent ! Par l’itinéraire Nord-Ouest, d’ouest en est, via le détroit de Béring, le canal de Parry et le détroit de Davis, le gain est d’environ 7700 km par rapport à l’itinéraire courant qui passe par le canal de Panama. Et, ce sont près de 9700 km qui sont gagnés en passant par le passage Nord-Est, distance gagnée sur l’itinéraire qui, lui, emprunte le canal de Suez. Donc, pas la peine d’être capitaine au long court pour voir l’avantage à passer par l’océan Arctique…

Ces routes font désormais école : si au cours du vingtième siècle, on ne comptait en moyenne qu’un bateau par an à s’aventurer dans ces eaux réputées dangereuses, depuis une dizaine d’années, ce sont près de 100 navires qui ont raccourcis leurs trajets par le nord. Baromètre de la navigabilité de ces eaux : désormais des navires de croisière s’aventurent, eux aussi, dans le passage Nord-Ouest, plus alléchant pour le croisiériste que le passage Nord-Est, avec toutes ces îles et îlots qui jalonnent la route.

Mais, tant que la banquise maintiendra sa main de glace sur l’océan Arctique, ces deux routes garderont un enjeu stratégique. On le voit bien avec le passage Nord-Ouest : pour le Canada, l’itinéraire est dans ses eaux territoriales, alors que pour d’autres pays comme les Etats Unis d’Amériques — soutenus par le droit international — les eaux qu’emprunte la route sont internationales… Sûrement un héritage de la guerre froide quand les sous-marins soviétiques et américains jouaient à cache-cache sous la banquise.

Le contexte dressé, on peut désormais commencer à se projeter dans l’avenir. Et, pour bien faire la bascule dans une autre géo-stratégie, on peut désormais considérer la planète non plus au travers de l’habituel planisphère euro-centré, mais en la regardant depuis le pôle Nord, d’un point de vue “arcto-centré” : c’est ainsi que les proportions de cette région reprennent leurs justes mesures. Il suffit de faire tourner la carte sur elle-même pour regarder la situation depuis l’Europe, la Russie ou l’Amérique…
En tentant de faire une anticipation de l’évolution de la situation maritime de l’océan arctique, il faut distinguer trois temps, trois périodes, chacune un peu plus dans l’avenir que la précédente.


La suite : www.geab.eu


PUBLICATION : DEMAIN, QUELLES REGLES DU JEU ? PROSPECTIVE DES DIVERTISSEMENTS

Un article collectif du Comptoir Prospectiviste, avec les idées de Christian Gatard (et surtout sa plume…), de Jean-Jacques Vicensini et d’Olivier Parent, pour INfluencia. A lire aussi sur www.futurhebdo.fr

L’hypothèse est ici que le divertissement n’aura bientôt plus pour fonction d’échapper au monde mais d’y participer. De le reconstruire. Il sera le moteur des mutations en cours : éthiques, psychologiques et technologiques.
Retour en arrière
Les civilisations antiques et médiévales, nos racines, partageaient (déjà, comme aujourd’hui) deux conceptions divergentes du divertissement.

D’un côté, le bon divertissement, l’oisiveté dynamique
Elle était considérée comme une vertu positive dans la mesure où son but, sa vertu, était de permettre de mieux travailler. Dans une société travailleuse, y compris au plus haut niveau de l’état, il fallait nécessairement s’accorder des moments de détente, une certaine oisiveté (l’otium de Cicéron). Christine de Pizan raconte  en 1404 dans Le Livre des fais et bonnes meurs du sage Roy Charles V comment ce dernier se levait à 5h, travaillait de 6 à 11 puis se permettait une saine oisiveté c’est-à-dire de retrouver quelques théologiens discuter de la Genèse dans son royal jardin. Trop cool.
ll y avait donc une morale du divertissement.
Bref, se divertir pour mieux travailler. Gloire du travail.

De l’autre, le mauvais divertissement, l’oisiveté diabolique
On connait l’antienne :  l’oisiveté est la mère de tous les vices et le travail le père de toutes les vertus. Caton l’Ancien disait : « en rien faisant on apprend à mal faire » et Hésiode en rajoute :  « le travail est la sentinelle de la vertu ».
Dans les traditions populaires allemandes, italiennes, scandinaves, on appelle l’oisiveté l’oreiller du diable : si on occupe son cerveau et son corps on évite de sombrer dans les péchés capitaux.
Le divertissement selon Pascal s’inscrit dans cette perspective : l’homme se protège du désespoir et de l’appel du divin dans le jeu social sous toutes ses formes. Le divertissement selon Debord, également, pour qui nous ne sommes que des pantins manipulés que le spectacle de la consommation abrutit.

En somme se divertir est un danger existentiel. Nouvelle donne.  

DANS THE CONVERSATION : COMPRENDRE L’EFFET DE SERRE ET SES CONSEQUENCES

Version longue de cet article, « director’s cut » ICI >>>

Baignées dans la lumière solaire, l’atmosphère ainsi que la surface de notre planète – océans et terres émergées – conservent naturellement une partie de cette énergie sous forme de chaleur. L’atmosphère terrestre, indépendamment des activités humaines, provoque « l’effet de serre ».

Sans ce phénomène atmosphérique indispensable à la vie, la température à la surface de notre Terre serait, en moyenne, de -16 °C. Alors que, grâce à l’effet de serre, elle est plutôt de +15 °C en moyenne. Dans ces conditions, l’eau liquide circule librement et la vie foisonne.

La part humaine des changements climatiques

Depuis plus d’un siècle et demi cependant, tous les relevés laissent apparaître une augmentation de cette température moyenne. Cette hausse est une conséquence de l’intensification de l’effet de serre dans l’atmosphère de notre planète : comme le plafond de verre dans une vraie serre, les gaz à effet de serre, dont la concentration ne cesse d’augmenter, piège une quantité toujours plus grande de l’énergie qui aurait dû retourner vers l’espace… Ici bas, on a de plus en plus chaud !
Nul besoin d’être grand vizir pour constater que le début de l’accélération de l’augmentation de cette concentration de gaz coïncide avec le début de l’ère industrielle (seconde moitié du XIXesiècle). Or, la plupart de ces gaz ont la fâcheuse tendance d’empêcher la diffusion vers l’espace d’une partie de l’énergie que reçoit notre planète en provenance du soleil. Cette part d’énergie restée captive étant proportionnelle à la concentration de ces gaz constatée dans l’atmosphère.
Pour quantifier cet effet de serre, on mesure la différence entre l’énergie reçue et celle réémise par la Terre : c’est ce qu’on appelle le bilan radiatif – radiatif, car la chaleur est envisagée comme une radiation. Quand l’équilibre est rompu entre énergie reçue et énergie rendue, on parle de « forçage radiatif », le forçage exprimant un déséquilibre.