Question : Olivier, tu as participé avec tes amis des Mardis du Luxembourg à l’ouvrage collectif : Chroniques de l’intimité connectée, qui se présente comme un recueil de nouvelles. Ton récit, Assurance crapuleuse, nous propulse en 2066, où les tueurs à gage sont devenus des effaceurs …
Olivier : Pour écrire Assurances Crapuleuses, une de mes nouvelles parue dans le dernier livre du think tank des Mardis du Luxembourg, j’ai créé un personnage, Tommy Maréchal. De nos jours, il aurait été tueur à gage. Dans l’avenir dans lequel se déroule la nouvelle, il est « effaceur ».
Plus hacker hautement nuisible que sociopathe sans empathie pour ses semblables qu’il « dessoude » froidement, les missions richement rémunérés de ce personnage consistent à effacer l’identité numérique des personnes qui lui sont anonymement désignées comme cibles. Or, dans une société totalement dématérialisée, l’effacement numérique pourrait bien s’avérer être un acte aussi violent qu’une mort physique … repoussant les pauvres hères privés de leurs précieux sésames digitaux, vers les bidonvilles en bordures des mégapoles, non-lieux dont l’existence n’est surtout pas reconnue par les autorités, au risque d’admettre la fragilité du système …
Question : Si l’on se projette dans un avenir moins lointain, on s’aperçoit que notre existence commence à se dématérialiser, comme de simples contenus informatiques, et que nous sommes à la merci des hackers …
Olivier : Revenus dans notre présent, la dématérialisation est un état de fait, bien que toujours en voie de déploiement. Les institutions, autant que les entreprises, incitent les administrés, aussi bien que les clients, à se servir des services en ligne pour accomplir un nombre de tâches toujours plus grand. Aux oubliés d’Internet – en 2016, ils étaient près de 6 millions de français à ne pas avoir accès à la « toile », qu’ils soient en situation de précarité ou tout simplement peu sensibles à ces usages, comme les seniors – à ces naufragés involontaires, donc, ne restent, au mieux, que la corvée du serveur vocal … au pire, l’obligation d’obtenir l’accès à un ordinateur afin d’accomplir les démarches qu’ils auraient pu effectuer auprès de l’antique guichet désormais dématérialisé. C’est exactement ce qu’il se passe pour l’obtention de la vignette « Crit’Air », sésame à coller sur son pare-brise dès le 15 janvier, pour pouvoir rouler dans Paris sans risquer des contrôles anti-pollution intempestifs – en attendant l’inéluctable verbalisation – et dont la procédure d’obtention se fait exclusivement sur Internet … Et si ce n’était que cela …